Lès Rèlîs Namurwès est un cercle littéraire dialectal fondé à Namur en 1909. Il porte depuis 1934 le titre de société royale.
Origine du nom
En wallon central, rèlî est le participe passé du verbe rèlîre, qui signifie trier, séparer le bon du mauvais. Utilisé au substantif et au pluriel, ce mot désigne, dans un registre humoristique, « de fameux numéros, de drôles de cocos, des originaux », des types à part, voire des simplets. Le nom s'écrit selon le système de transcription Feller, qui a été adopté par le cercle.
L'origine de ce nom est attribuée à un professeur de néerlandais de l'Athénée royal de Namur, J. Baujot. Provoqué par un élève qui lui aurait demandé « On-z-aprind bin l' flamind, poqwè nin l' walon ? », il aurait répondu « Bin, vos 'nn'èstoz d'dja dès rèlîs, vos-ôtes ! ». Le nom a alors été adopté par esprit de dérision.
Historique
Fondation et premières années
Le cercle des Rèlîs Namurwès est fondé le lors d'une promenade à la Citadelle de Namur par quatre élèves de l'Athénée royal de Namur, Lucien Maréchal (wa), Georges Pelouse (wa), Auguste Demil et Télesphore Lambinon (wa). Ils sont rapidement rejoints par Gustave Arnould (wa), Joseph Gilson, Édouard Thirionet (wa) et Paul Maréchal (wa), le frère ainé de Lucien.
À cette époque, le cercle ne possède pas encore son propre organe de diffusion. Les textes acceptés en réunions sont donc publiés successivement dans le journal local Li Couarneû, dans Li Ban Cloke et, de mars à aout 1913, dans la revue Sambre-et-Meuse fondée par François Bovesse. La participation des Rèlîs Namurwès au Ban Cloke (« La Cloche du Ban »), qui est produit de 1910 à 1912 par l’imprimeur-éditeur namurois Émile Chantraine, est jugée particulièrement importante. Les membres du cercle ont en effet écrit 315 articles sur les 87 numéros parus, et Lucien Maréchal est considéré comme le « principal rédacteur » de ce journal.
En février 1913, Charles Camberlin (wa) est remplacé par Paul Maréchal à la présidence des Rèlîs Namurwès. Lors du cinquième anniversaire du cercle, celui-ci compte 12 membres (9 effectifs et 3 correspondants), ainsi que 4 membres honoraires. Certains de ces membres honoraires sont des écrivains non namurois, comme Florent Mathieu (wa), originaire de Vonêche et résident de Charleville-Mézières, qui est accueilli en février 1912, après avoir d'abord côtoyé les Rèlîs dans les pages du Couarneû et du Ban Cloke.
La Grande Guerre
En 1914, quatre membres des Rèlîs Namurwès — Gustave Arnould (wa), Fernand Danhaive, Édouard Thirionet (wa) et Edmond Wartique (wa) — sont des artilleurs affectés à la défense des forts de Namur. Ils sont capturés par l'assaillant le et emmenés en Allemagne. Ils se trouvent réunis à la mi-avril 1915 au camp de Soltau, où ils décident de fonder un chapitre indépendant du cercle. La séance inaugurale des Rèlîs Namurwès Prîjnîs (Rèlîs Namurwès Prisonniers) se tient le dans les « latrines de la baraque 69 A ». Le cercle se dote alors d'un président (Thirionet), d'un secrétaire (Wartique) et de règlements.
Le groupe des Rèlîs Namurwès Prîjnîs parvient à tenir trois séances avant que ses membres ne se trouvent à nouveau séparés. Dès la première séance, des démarches sont amorcées en vue du recrutement de nouveaux membres et de la mise sur pied d'une publication ; ces efforts n'ont toutefois pas abouti dans le court délai avant la dispersion du groupe. Fidèle à la philosophie d'excellence du cercle, Thirionet inflige, lors de la troisième séance du , un blâme à Arnould et Danhaive, qui n'ont pas à leur actif le nombre de travaux requis par les règlements.
Une fois séparés, les Rèlîs Namurwès Prîjnîs continuent à écrire en wallon : Edmond Wartique revient de captivité avec 18 textes, Édouard Thirionet en ramène neuf et Gustave Arnould cinq. Seul Fernand Danhaive semble n'avoir plus écrit en wallon après son départ de Soltau. Après la guerre, Wartique et Thirionet entreprennent d'écrire ensemble leurs souvenirs de captivité, sous le titre Les crwès dins les bruwères (wa) ; le livre est achevé par Wartique et publié en 1932, après la mort de Thirionet en 1930, à la suite d'une maladie contractée durant la guerre.
Deux Rèlîs Namurwès — Paul Maréchal et Georges Pelouse — combattent quant à eux sur le front de l'Yser. En 1916 et 1917, Pelouse dirige une revue intitulée On spîye co (« On brise encore ») à La Panne ; Maréchal collabore quant à lui au journal du front Vive Nameur po tot. Georges Pelouse est tué à l'ennemi le à Boezinge, alors qu'il est sergent au 19e Régiment de Ligne ; il avait 26 ans.
Les autres membres, alors au nombre de 6, sont demeurés à Namur et se réunissent une dizaine de fois durant la guerre. La présidence par intérim est alors exercée par Émile Robin (wa). En 1915, ils amorcent le projet d'un Kriegscayè (« carnet de guerre »), un recueil des textes écrits durant ces années, destiné à documenter pour les camarades absents les réalités de l'occupation. En 1916, la cocâde est décernée aux Rèlîs Sôdârs (Rèlîs soldats) ; elle est remise le à Gustave Arnould, Fernand Danhaive, Paul Maréchal, Édouard Thirionet et Edmond Wartique. Georges Pelouse, le fondateur mort au front, est nommé en cette occasion « Président d'honneur à perpétuité ».
Naissance des Cahiers wallons dans l'entre-deux-guerres
Dans l'immédiate après-guerre, les Rèlîs Namurwès n'ont pas d'accès régulier à un organe de diffusion pour leurs œuvres. Ils collaborent néanmoins ponctuellement à des revues basées dans d'autres villes, comme La Vie Wallonne (à Liège) ou La Terre Wallonne (à Charleroi).
En février 1924, ils retrouvent la possibilité de publier régulièrement des textes en wallon dans un journal namurois, Le Guetteur Wallon. Ils y prennent en charge une rubrique intitulée Li cwin dès Rèlîs, qui accueille un total de 151 textes du au ; la grosse majorité de ces œuvres sont directement produites par des membres du cercle. À partir de 1935, une rubrique du journal Vers l'Avenir est également gérée par l'un de leurs membres, Jules Rivière (wa) ; ce quotidien accueille donc de nombreuses œuvres des Rèlîs sous le titre Tapans one divise (« Faisons un brin de conversation »).
Le , le cercle est autorisé par un brevet du roi Albert 1er à porter le titre de société royale. Lès Rèlîs Namurwès célèbrent par ailleurs leur 25e anniversaire en organisant un concours doté par le roi d'une médaille de vermeil à son effigie. Celle-ci est remportée par Franz Dewandelaer pour Boquèts dèl Nûte, un film poétique en wallon doublé d'une traduction française.
En 1937 s'amorce le plus important projet éditorial du cercle, avec la sortie, le , du tout premier numéro des Cahiers wallons. À ce stade, la revue n'est pas encore l'organe officiel du cercle ; il s'agit d'un projet personnel porté par deux de ses membres : Eugène Gillain (qui assure la direction) et Paul Moureau (wa) (qui assure la rédaction). La couverture de ce premier numéro est illustrée par Joseph Gillain, alors âgé de 23 ans. Il est tiré à 3 000 exemplaires.
Cette première mouture des Cahiers wallons n'est pas réservée aux écrits en wallon namurois, mais se veut plutôt une anthologie des œuvres des meilleurs écrivains wallons, ouverte à tous les dialectes de la Wallonie. Le premier numéro comporte néanmoins une majorité de textes produits par des Rèlîs Namurwès, étant donné qu'y collaborent — outre Moureau — Gabrielle Bernard, Charles Camberlin, Camille Delvigne (wa), Édouard Laurent (wa), Émile Robin (wa) et Edmond Wartique, qui sont tous membres du cercle.
Malgré une publicité importante et un bon démarrage — la revue fait l'objet de 300 abonnements sur son premier mois d'existence —, Les Cahiers wallons ne sont pas une entreprise rentable. Les exercices 1937 et 1938 se soldent par un déficit, qui s'élève à 5 000 francs belge la première année. Un record d'abonnements sera atteint en 1939, où l'on en dénombre 1 300, mais cette dynamique est brisée par la guerre et par la mort de Moureau, en novembre 1939. En 1940, le nombre d'abonnements retombe à 600 et les parutions se font irrégulières. En juin 1941, on ne compte plus que 120 abonnés. Dans ce contexte, la formule d'anthologie fait régulièrement place à des numéros dédiés à un seul écrivain. Deux Rèlîs Namurwès voient leurs œuvres publiées de cette manière : Edmond Wartique (Tote ène vîye, dans le numéro 32) et Gabrielle Bernard, dont les trois recueils de poésie sont adressés aux abonnés des Cahiers wallons,.
Durant la Seconde Guerre mondiale, les réunions mensuelles des Rèlîs Namurwès sont d'abord déplacées dans le bureau de leur président, Joseph Calozet, qui est alors préfet à l'Athénée royal de Namur. Celui-ci étant destitué de son poste en 1943, le cercle ne se réunit plus que ponctuellement et clandestinement, chez un autre de ses membres, l'abbé Louis Jadin ; il reprend son activité normale en mars 1945. Cette même année, trois membres sont exclus à la suite de leur attitude durant l'occupation.
La querelle des Anciens et des Modernes
Au sortir de la guerre, les Rèlîs Namurwès poursuivent leur collaboration avec le quotidien Vers l'Avenir, dont la page wallonne prend, à compter du , le titre de Chîjes èt paskéyes (« Veillées et histoires plaisantes »). Les Cahiers wallons, dont la parution s'est interrompue en 1944, reparaissent également en mars 1947 sous la forme d'une nouvelle série. C'est à ce moment que la revue devient l'organe officiel du cercle, comme l'indique la mention « revue sous la direction d'un comité de Rèlîs Namurwès », introduite à cette époque et toujours insérée de nos jours. Si la formule moderne de la revue est fixée dès cette époque, son contenu va faire l'objet de discussions plus âpres.
« Or, en ce moment, quelque chose est en train de changer en poésie wallonne. Des jeunes, intellectuels pour la plupart, considérant la poésie comme « un moyen d'élucider un peu de notre mystère » ou comme « un instrument de la connaissance de soi-même », l'orientent vers l'Humain et la haussent au niveau de l'Universel […]. Et c'est l'honneur des « Cahiers wallons » d'avoir, dès lors, ouvert leurs colonnes aux tenants de cette poésie nouvelle autant qu'aux représentants d'une expression plus traditionnelle et plus accessible. »
Émile Gilliard attribue cette « révolution pacifique » à l'influence de Jean Guillaume, qui vient de collaborer à l'ouvrage fondateur Poèmes wallons 1948 et qui fait alors « figure de chef d'école ». À la suite de celui-ci, les jeunes auteurs renouvèlent les thèmes pour évoquer « les problèmes humains, les questionnements de l'existence, la vie actuelle », expriment leur gout pour la suggestion, l'ellipse, les non-dits, les images fortes et insolites, et recherchent une plus grande authenticité de la langue, dans le sillage des recherches lexicographiques menées à cette époque.
Les principaux Rèlîs Namurwès engagés dans cette voie moderne ou influencés par elle sont Andrée Bacq (wa), Alexandre Bodart (wa), Roger Bouche, Lisa Chastelet (wa), Yves Christiaen, René Clinias (wa), Gérard Coulonval (wa), Bernard Debras, Charlie Dodet, André Eggermont, Willy Félix (wa), Victor George, Émile Gilliard, Laurent Hendschel (wa), Reynolds Hostin (wa), Jean Pietquin, Jean Pirotte, Georges Smal, Lucien Somme (wa), Josée Spinosa (wa), Jean-Pierre Surkol (wa) et Edmond Tillieux.
Les Rèlîs Namurwès soutiennent par ailleurs des idées progressistes dans le domaine liturgique, en sollicitant auprès du diocèse de Namur que des sections des messes de la Fête de Wallonie puissent être célébrées en wallon. Ils obtiennent gain de cause dès 1952, soit avant le concile Vatican II.
À l'approche de son 50e anniversaire, en aout 1958, le cercle compte 12 membres d'honneur, 44 membres effectifs, 11 membres adhérents et 12 membres sympathisants.
Le , le 60e anniversaire du cercle est célébré à Namur, en présence d'André-Marie Charue, alors évêque du diocèse de Namur, du bourgmestre Fernand Pieltain, du gouverneur René Close et du ministre Louis Namèche. Les linguistes Willy Bal, André Goosse, Albert Doppagne et Albert Maquet interviennent lors de la séance académique tenue à cette occasion.
Politique d'ouverture
À compter des années 1990, les Rèlîs Namurwès développent une « politique d'ouverture », qui vise notamment l'accueil de membres non écrivains. Le cercle entame dès lors sa mue pour se positionner en tant qu'association de promotion de la langue wallonne.
Lors de son centenaire, le , le cercle réunit 26 membres, mais ceux-ci ne sont plus que vingt-deux le , lorsque la Société de langue et de littérature wallonnes consacre une journée d'étude aux Rèlîs Namurwès. En 2023, l'effectif du cercle s'élève à 31 membres.
Règles et traditions internes
Les Rèlîs Namurwès prêtent le serment suivant, au moment de passer du statut de membre adhérent à celui de membre effectif : « Dji djure, insi m'aide Diè, d'èplèyî tote mi vîye à rilèver l' Walonîye. » Ce serment se prête traditionnellement sur une peau de taupe.
Lors de cette prestation, une passète (passoire) est symboliquement employée pour indiquer que seule la production de qualité a droit de cité dans le cercle, comme le précise la formule qui est alors prononcée : « Ci qui passe, c’èst l’ fine fleûr, ci qui d’meûre c’èst lès scrabîyes. »
Ce serment « sur la passète » est inauguré en novembre 1911, lors de l'intronisation de Joseph Calozet et Fernand Danhaive.
Par ailleurs, à compter de 1910, les Rèlîs Namurwès attribuent annuellement une cocâde (cocarde) au membre « ayant fourni le travail le plus méritoire au cours de l'exercice écoulé »,.
Liste des récipiendaires de la cocâde
N.B. : cette liste se base, pour les 50 premières années, sur les données publiées dans le numéro spécial des Cahiers wallons consacré au 50e anniversaire du cercle.
Membres notables
Activités
Les Cahiers wallons
La publication de la deuxième série des Cahiers wallons, entamée en mars 1947, se poursuit encore de nos jours.
En parallèle des numéros ordinaires composés des derniers écrits acceptés lors des assemblées, Les Cahiers wallons publient des numéros spéciaux réservés à la publication d'une ou plusieurs œuvres d'un même écrivain. En 1996, on dénombre plus de 140 numéros de ce type. Plusieurs écrivains majeurs, comme Willy Bal, Victor George, Émile Gilliard, Albert Maquet, Arthur Masson et Georges Smal ont fait éditer des œuvres par ce biais.
Édition
Cours de wallon
Les Rèlîs Namurwès organisent des cours de wallon depuis la fin des années 1970.
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Lucien Maréchal, « Vingt-cinq années d'activité wallonne du Cercle Royal Littéraire “Les Rèlis Namurwès” », Le Guetteur Wallon, nouvelle série no 43, , p. 129-155 (lire en ligne).
- Lucien Maréchal, « Cinquante années d'activité wallonne du Cercle Royal Littéraire “Les Rèlis Namurwès” », Les Cahiers wallons, , p. 107-149 (lire en ligne).
- Joseph Selvais, « Le centenaire du cercle dialectal Lès Rèlîs Namurwès », dans Li quauteron dès cint-z-ans : Choix de textes contemporains publiés à l'occasion du centenaire des Rèlîs Namurwès, Namur, Les Rèlîs Namurwès, , p. 3-9.
- Joseph Dewez, Jean Germain, Émile Gilliard et Bernard Louis, Le Centième anniversaire des Rèlîs namurwès, Liège, Société de langue et de littérature wallonnes, coll. « Mémoire wallonne » (no 14), , 128 p. (ISBN 978-2-930505-10-7).
- Jacques Toussaint (dir.), Joseph Dewez, Jean-Luc Fauconnier, Hélène Gérain, Jean Germain et Jean Pirotte, Les Cahiers wallons ont 75 ans : Les Rèlîs Namurwès au service de l'identité wallonne, Namur, Musée des Arts anciens du Namurois, coll. « Monographies » (no 55), , 208 p. (ISBN 978-2-87502-036-9).
- Joseph Dewez, Bernard Louis et Axel Tixhon, Les Kriegscayès : La Grande Guerre des Rèlîs Namurwès, Namur, Société archéologique de Namur, coll. « Namur. Histoire et Patrimoine », , 448 p. (ISBN 978-2-87502-055-0), p. 13-45.
- Joseph Dewez, « “Li Guetteur Wallon, c'est one miète lès Rèlîs” : Les Rèlîs Namurwès et le Guetteur Wallon, de 1924 à 1939 », Cahiers de Sambre et Meuse, vol. 2024, no 2 « Numéro spécial du Centenaire », , p. 96-112 (ISSN 1784-1771).
Notes et références
Notes
Références
Liens externes
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- Li Ban Cloke et Les Cahiers wallons numérisés par le projet NEPTUN de l'Université de Namur
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